Le coup passa si près, que le chapeau tomba...
Ko Samui, Thaïlande
Samedi 27 Décembre, six heures du matin.
Je me réveille dans mon bungalow de Ko Tao. Je ne suis pas en forme, ça fait déjà quelques jours que je me sens oppressé. Une sensation sourde au niveau du diaphragme. Je me lève et décide d'aller me détendre au bord de l'océan. En effet, à quelque mètre du chalet, une falaise surplombe la mer. La vue y est superbe, cela ne peut que me faire du bien.
Mais le malaise persiste, s'intensifie. C'est maintenant une douleur qui s'installe et le temps de remonter les quelques mètres qui me sépare de la chambre elle devient insupportable. J'ai chaud, je suis en sueur. Je réveille Nat qui dort profondément et lui demande de me trouver d'urgence un médecin. Elle file à la réception de la guest house, réveille le personnel, mais pas grand monde ne parle anglais. Elle finit par se faire comprendre et quelqu'un part chercher un taxi. Je quitte la chambre. J'ai du mal à faire les quelques mètres jusqu'à la voiture mais je fini par m'y installer et nous filons vers un cabinet médical à moins d'un kilomètre de là. La route me paraît durer une éternité. Je suffoque. La douleur est terrible. Nat assure sans paniquer. J'ai le sentiment que je vais y passer, que c'est la fin et je le lui dis...
A notre arrivée au cabinet médical, je n'ai pas l'impression d'être vraiment pris au sérieux par les deux filles présentes. Elles ont sans doute l'habitude de voir au petit matin débarquer les touristes dans de drôles d'états et demandent si j'ai consommé des drogues. Moi, je me tort de douleur sur la table d'examen. Un médecin fini par arriver et ordonne un électrocardiogramme. Je fais un effort surhumain pour ne pas trop bouger durant l'examen. A la vue du document le toubib décrète que l'appareil n'a pas bien fonctionné et ordonne un deuxième examen. Pendant que ces deux assistantes s'exécutent il prend quand même la précaution de me placer sous oxygène, je serre les dents. Le deuxième feuillet d'électro est maintenant entre ses mains. Les choses sont maintenant claires pour lui. Pour moi, elles l'étaient depuis déjà un bon moment. Je fais un infarctus du myocarde. Dans les secondes qui suivent, je prends dans le bras, un shoot de morphine et on me fait avaler un minuscule cachet rose fluo. Très vite la douleur diminue même si la crise, elle, continue...
Il faut maintenant m'évacuer au plus vite vers l'hôpital de Ko Samui. Là, le toubib est au top. Il organise tout en quelques coups de téléphone. Nat part faire les sacs. Elle a dix minutes pour les faire et elle tiendra les délais. L'ambulance qui doit me conduire au port arrive. C'est un pick-up comme toutes les voitures ici sauf qu'il est blanc et a une sirène. Je monte dans la caisse à l'arrière. On charge une bouteille d'oxygène. Pas le modèle portable, mais un truc énorme. On nous balance les sacs et nous voilà partit accompagné de deux infirmières en direction du port. Le trajet est court. Une vedette rapide nous attend. C'est un bateau classique, de tourisme avec deux gros moteurs de 200 chevaux chacun. On s'y installe comme on peut et nous prenons la mer. Il y a une cinquantaine de kilomètres à faire pour arriver à Ko Samui. Bien que la mer soit plus calme que les jours précédents, elle n'en reste pas moins agitée. Tout comme moi....
Le bateau tape dur. J'ai le dos en compote. C'est tellement désagréable que j'en oublierai presque les douleurs dans la poitrine. L'infirmière qui s'occupe de moi a le mal de mer. Elle gardera cependant toujours un joli sourire rassurant et sera jusqu'au bout aux petits soins pour moi. Nous mettrons une heure vingt pour arriver à destination. Mais la mer est mauvaise ici aussi et le bateau doit s'y reprendre à quatre fois avant de réussir à apponter. Une ambulance m'attend. Une vraie avec sirène, médecin et tout l'appareillage qui va bien. Il nous faudra quand même une grosse demi-heure pour atteindre enfin l'hôpital.
Voilà, je suis dans les mains d'un cardiologue. Le docteur Nat, ça ne s'invente pas...Les examens s'enchaînent, mais le gros de la crise est passé. Je suis en salle de soins intensifs. Normalement j'en sors dans quelques heures. J'y suis resté quarante-huit heures.
Le coup passa si près que le chapeau tomba disait Victor Hugo dans un de ses poème. Ce coup-ci j'ai senti le vent du boulet. Pour la première fois de ma vie, je me suis vu mal. Très mal...
La suite ? Je dois voir un autre cardiologue cet après-midi. On doit aborder le rapatriement vers Bangkok. Là, je devrais avant de rejoindre la France, faire une angiographie et éventuellement me faire poser un ou des stents... Bref, pour le moment j'en sais pas plus que ça.
Pour ce qui est de mon voyage à durée indéterminée, on dirait que le sort en a fixé la date de fin...Enfin, je dirais plutôt de l'entracte car une deuxième partie me paraît tout à fait jouable...Mais je n'en suis pas encore là.
Je suis donc très heureux aujourd'hui de pouvoir encore vous souhaiter un bon réveillon de fin d'année. Take care mes amis et profitez à fond des votres car une chose est sure, c'est qu'on ne sais pas juqu'ou on sera en mesure de le faire....